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1 Éléments d'Anthropologie du Droit
Avant-propos : Philippe LABURTHE-TOLRA Doyen honoraire à la Sorbonne
Préface :
Norbert ROULAND Membre de l'Institut Universitaire de France

présentation avant-propos préface introduction plan
index analytique références table illustrations
1- Le souverain juge
2- “Pourquoi le sang de la circoncision...”
3- Dessin du dessein
4- “Authentique ! sans papier !”
5- L’“Âme du Mil”
6- “Il faut se battre pour la constitution...”
7- Rire et démocratie
8- Sur l’innovation
9- La “culture des analgésiques” et l’individualisme
10- Du “mariage arrangé” à l’“amour-passion”
11- Du mythe au roman, de la Patrie à la Filisterie
12- La chimie du rire
13- Quelques données sur la prohibition de l’inceste
14- Morale et handicap
15- Le juge, de quel droit ?
16- Droit au sol et mythes d'autochtonie
17- Habiter, cohabiter : sur l’exemplarité
18- Le territoire de la langue : les deux natures



présentation

IV - 12.2 Le rire et la reconnaissance de la forme humaine


En commençant par le commencement, c’est-à-dire par le rire du petit enfant, et par des choses bien banales : tâchant de nous émerveiller de ce qui est ordinaire, selon le propos de la sagesse chinoise (“L’homme ordinaire s'émerveille de ce qui est extraordinaire ; le sage s'émerveille de ce qui est ordinaire”) – mais le sage, nous le verrons, a des rapports ambigus avec le rire…, on constate :
Que le rire s’oppose aux pleurs : alors que les pleurs signalent une réalité qui échappe ou déçoit, le rire est l’indice d’un contentement qui revient. Plaisir de la reconnaissance d’un visage d’abord, celui de la mère qui éveille et, littéralement, provoque le rire de son enfant en lui parlant, en le baisotant, le dodelinant (en répétant paroles, baisers, chatouilles identiques, lui faisant faire l’épreuve de rythmes). La jeune mère découvre ce qui fait rire son enfant en se faisant reconnaître par lui. “Parler bébé”, jouer avec bébé, c’est user de signes simples et répétitifs susceptibles d’être reconnus et permettant de se faire reconnaître. Quand on joue à cache-cache avec un tout petit - jeu auquel presque tous les adultes se livrent naturellement pour faire l’intéressant devant sa majesté bébé, comme si c’était cela que l’enfant appelait - celui-ci se met à rire quand il constate la réapparition de la face disparue, et à rire de plus en plus fort chaque fois que se vérifie la vérité de son attente : alors que les pleurs signalent une réalité qui échappe, une attente contrariée, le rire est l’indice d’un monde plaisant qui revient, d’une attente comblée. On voit donc le rire premièrement engagé dans la reconnaissance de la forme humaine et dans l’épreuve de la société.

Que le rire est une commotion qui fait plaisir. Exemple trivial : un “type” (soit un individu qui n’appartient pas à la familiarité du rieur) glisse sur une triviale peau de banane. Rire. Mais rire, aussi, provoqué par la chute d’une histoire drôle. Rupture. Dénégation d’une attente déçue : réassurance. Déception qui fait plaisir. La rupture brusque de la continuité, l’attente trompée, crée un effet de surprise qui se dénoue (ici) par le rire.

Surprise d’une attente comblée : apprentissage ; dénégation d’une attente déçue : réassurance.

Que l’“humeur du rire” est communément recherchée :
“Car nous avons naturellement telle affection à réjouissance que tous nos desseins y prétandent comme à un souverain bien. [Réjouissance est privation d’annuy et facherie, laquelle nous tachons par tous moyens d’éviter.] Dont nous voyons qu’on cherche mille sorte de passetams, et que chacun les ressoit volontiers. De là est venue l’invention des jeux publics et privés, des triomphes, banquets, farces, comédies, morisques, mascarades, danses, musiques et toutes autres manières de s’ébaudir.” (Joubert, op. cit. p. 8)

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