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Chapitre 7
Rire et démocratie :
la comédie d'Aristophane
II - 7.1
Je vais donc tenter dexposer les relations qui existent entre rire et démocratie. Je caractériserai rapidement la démocratie par deux traits. Le premier est que la démocratie est un système politique où il ny a - idéalement - que des égaux. Ce qui implique que les gouvernants ne sont pas dune autre nature que les citoyens et que la fonction nengendre de privilèges que ceux qui sont nécessaires à ladministration du bien commun. Le second est que la démocratie est un système où la gestion de la cité relève essentiellement de dispositifs profanes, séculiers. Il en résulte que les dirigeants, comme tels, ne sont coiffés daucune onction religieuse et que lencens des suffrages qui les glorifie ne leur confère ni droit ni passe-droit.
On peut manifester ceci par un contre-exemple et, comme un bon dessin vaut mieux quun long discours, par un pictogramme. Létymologie populaire du pictogramme chinois qui signifie roi (wang) explique [nous lavons déjà noté et nous gardons à lesprit la matière des précédents chapitres] que le roi est ce personnage qui met en relation - un trait vertical - le monde céleste, la société des hommes et le monde terrestre - trois traits horizontaux. Le roi est un médium. Il est le canal privilégié du contact des hommes et des puissances supranaturelles. Et jillustrerai la modernité par cette insolence - qui tombe précisément dans mon sujet - due à un surréaliste belge constatant : La question de lexistence de Dieu est un problème qui ne regarde que lui. En démocratie, les hommes sont seuls pour régler leur existence et nont que des moyens temporels en partage.
Mais nous sommes ainsi faits quune disposition presque irrésistible nous porte à sacraliser ceux qui nous gouvernent - ce qui nous justifie dailleurs à tout leur demander et à tout attendre deux. Ceux-ci se défendent assez mollement de cette dévotion qui les fonde, en contrepartie, à sen adjuger les privilèges. Il fut mis au rang des dieux, dit Suétone de César, non point seulement par une décision toute formelle des sénateurs, mais par la conviction intime du peuple (I, LXXXVIII). En démocratie, il ny a pas dhomme providentiel et le consentement du peuple, pour paraphraser Saint-Just, ne suffit pas à absoudre le despote. Le politique est supposé être un spécialiste de ladministration des choses et cest sans état dâme que lEcole Nationale dAdministration - où lon nenseigne guère ce quil faut croire - prépare, chez nous, à la carrière.
En tant que vahiny, je vais donc parler dun exemple lointain qui peut néanmoins donner matière à la réflexion daujourdhui. Je vais parler de la démocratie grecque et, à travers une présentation du théâtre dAristophane, de la fonction quy jouait la comédie.
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(Une version de ce texte a été présentée le 9 avril 1997 sous la forme dune conférence donnée à luniversité dAntananarivo.
Le propos est de souligner la fonction institutionnelle de lirrévérence en démocratie - à la différence des situations dinversion rituelle qui ont une finalité religieuse (thèse citée, chapitre IV). Si le carnaval peut dégénérer, son sens nest pas politique, au sens propre du terme. C'est la Moyenne comédie - elle accompagne lhistoire de la démocratie athénienne - qui introduira la satire politique dans la pulsation cosmique du carnaval.)
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