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1 Éléments d'Anthropologie du Droit
Avant-propos : Philippe LABURTHE-TOLRA Doyen honoraire à la Sorbonne
Préface :
Norbert ROULAND Membre de l'Institut Universitaire de France

présentation avant-propos préface introduction plan
index analytique références table illustrations
1- Le souverain juge
2- “Pourquoi le sang de la circoncision...”
3- Dessin du dessein
4- “Authentique ! sans papier !”
5- L“Âme du Mil”
6- “Il faut se battre pour la constitution...”
7- Rire et démocratie
8- Sur l’innovation
9- La “culture des analgésiques” et l’individualisme
10- Du “mariage arrangé” à l’“amour-passion”
11- Du mythe au roman, de la Patrie à la Filisterie
12- La chimie du rire
13- Quelques données sur la prohibition de l’inceste
14- Morale et handicap
15- Le juge, de quel droit ?
16- Droit au sol et mythes d'autochtonie
17- Habiter, cohabiter : sur l’exemplarité
18- Le territoire de la langue : les deux natures



présentation

III - 8.2 Maîtrise technique et maîtrise politique : l’assimilation

En tant que théorie de leur écosystème, toutes les cultures se valent. Pourquoi donc ce retentissement planétaire de la civilisation techno-libérale ? Tous les peuples colonisés retournent contre l’oppresseur ses armes et sa technique ; aucun n’entend revenir à l’état pré-colonial. La reconquista a évidemment conservé les apports musulmans à la civilisation. (Le Coran a ainsi disséminé, par exemple et pour nous en tenir au registre des espèces cultivées, le riz, le sorgho, le blé dur, le coton, l'aubergine, les agrumes, la mangue, la canne à sucre et le plantain). La décolonisation est une étape subjectivement capitale mais objectivement mineure si on la comprend par ce qui reste : par ce que les “élites” des peuples opprimés ont à leur tour assimilé. Subjectivement, la lutte des peuples pour la libération et la reconnaissance est tout. Mais, dans une perspective de la médiation, c’est une étape mineure qui ne fait qu’ajuster la maîtrise technique et la maîtrise politique. Il existe un état de maturation de la modernité dans la conscience de la jeunesse qui provoque le déclenchement de la révolution nationale, subjectivement dirigée contre le colonisateur, flétri de tous les vices, et objectivement contre la tradition, parée de toutes les vertus. Cette reprise du fil de la souveraineté a pour caractère, en effet, une révolution dans le mode d’administration des choses et des hommes. Sous le double patronage de la modernité et de la tradition, la jeunesse libératrice conjugue le matérialisme et la loi de la souveraineté élémentaire. La conversion à la modernité se fait sur le mode du refus : la capacité à chasser l’étranger fait la démonstration de l’effectivité de cette transmission des techniques et des valeurs : battle-dress et costume-trois-pièces. Dominants et dominés ont mêmes compétences, mais ces derniers ont pour eux la loi naturelle et la loi du plus faible. Majorité de majeurs. De ce point de vue (amoral), la colonisation - qui n’a évidemment pas pour principal objet de “porter la bonne parole” : sauf à comprendre ce que signifie “porter la bonne parole” - c’est l’irruption de la technique et de l’organisation. L’assujettissement prouve l’archaïsme ou l’arriération du dominé et sa libération le succès de cette greffe en quoi consiste la transmission de la méthode. Un ancien combattant Tchadien, cité précédemment (au chapitre 4.1), avertit : “On ne peut pas être indépendant lorsqu’on ne sait pas fabriquer une boîte d’allumettes”... “La colonisation, a pu déclarer un chef d’Etat africain (se faisant l’avocat du diable, sanctifié aussi par l’âge et libéré du devoir de plaire, selon un avis recueilli auprès de nationaux concernés), n’est pas un mal en soi. Tous les peuples de la terre sont passés par elle. On peut dire que coloniser, c’est payer sa dette à l’humanité. Qu’est-ce que la Côte d’Ivoire avant la colonisation ? Soixante tribus qui ne se connaissaient pas, qui n’avaient pas les mêmes dialectes, qui n’avaient pas la même façon d’organiser leur société [...] Ces hommes, grâce à la colonisation, ont constitué un embryon de nation [...]. Donc, grâce à la colonisation, il y aura demain une nation ivoirienne” (Le Monde du 6-7 juillet 1986).

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